Carnet d'expédition

De Nouméa à Bali – Semaine 3

La semaine dernière se finissait en beauté après le passage du détroit de Torrès. Cette navigation compliquée de 48h laissait alors place à une nouvelle étendue d’eau : La mer d’Arafura.

La mer d’Arafura est une mer peu profonde. C’est comme un gigantesque plateau incliné qui est à 30 mètres de fond au début et qui plonge à 150 mètres en l’espace de 2000km vers l’Ouest. Donc, le premier fait marquant c’est la couleur de l’eau. Directement en sortie du détroit, elle est bleue mais légèrement blanchâtre, un peu laiteuse. Nous savons que le fond n’est pas loin et les forts courants doivent soulever des particules qui troublent l’eau.

Mer d’Arafura en sortie du détroit de Torrès

Dès le lendemain, le bleu est plus intense et tire légèrement sur le violet. Nous apprécions découvrir à chaque prise de quart la teinte qu’à prise la mer. En plus de ça, une brume nous accompagne; on ne voit pas à 10mn près ! L’ambiance est hors du commun. De temps à autre, nous voyons de gros navires qui ne passent pas loin et nous rappellent que nous avons retrouvé le chemin des routes commerciales.

Nous avons aussi bon vent mais nous utilisons le moteur pour recharger la batterie un bon coup et ainsi se sortir d’une zone connue pour la pétole…

Rapidement le vent se lève plein travers et malgré ça, la mer reste plate; le rêve ! Nous avançons super vite sans bouger. Ce sont des conditions exceptionnelles et nous en avions rêvé ! Du coup, nous passons une nuit tranquille… Du moins pour la première partie !

Pendant mon quart, je voyais des éclairs au loin: ça me flashait dessus comme des appareils photo. C’était assez impressionnant mais peu oppressant. Le ciel était dégagé et aucun bruit de tonnerre ne se faisait entendre. Mais ça, c’était avant le quart de Lucas.

Pendant son quart, un nuage d’orage nous a rattrapé et tout est parti en vrille ! Il pleuvait des cordes et nous étions toutes voiles dehors. Émilien est sorti en premier pour rouler le génois et nous avons ensuite affalé la grand voile ensemble et hissé la trinquette. Le vent était impressionnant. Le surplus de surface vélique obligeait Lucas à abattre (se rapprocher du vent arrière) au maximum, fleuretant ainsi avec l’empannage à cause des variations de direction de vent très brutales. Nous avons d’ailleurs failli arracher la grand voile dans un empannage intempestif ! Heureusement, plus de peur que de mal mais surtout une piqûre de rappel sur la dangerosité de ce genre de nuages.

Le lendemain matin, nous avons dû resserrer les drosses de safran (câbles permettant d’utiliser la barre à roue) car la tempête les avait fait dérailler. Rien de grave encore une fois mais c’est toujours impressionnant de voir à quel point un voilier mal réglé par rapport aux conditions de vent peut vite s’abîmer.

Malgré cette mésaventure, nous continuons de bien avancer et passons le Cap Wessel au nord de L’Australie, ce qui casse la houle. Cette mer nous fait penser à nos premières expériences en Méditerranée et notamment la forme de cette dernière : courte, abrupte, très «  sauvage ».

Nous longeons maintenant les côtes nord australiennes en direction de Melville Island puis du Sud de Kupang. C’est quasiment le même cap donc c’est facile ! Plein ouest. D’autant que le vent continue de nous faire avancer doucement. Nous savons que c’est en quelque sorte son baroud d’honneur. Les prévisions sont mauvaises et le vent retombe peu à peu.

Depuis le début nous savions que cette zone était sujette à d’importantes pétoles qui pouvaient durer plusieurs jours; un vrai pot-aux-noirs ! Sachant ça, nous tirons au maximum à la voile pour économiser notre diesel. Nous savons que les prochains jours seront déterminants pour la suite du voyage et qu’il faudra sûrement jouer d’un équilibre entre voile et moteur pour avancer.

Avec le manque de vent, la mer s’aplani et nous découvrons des nappes de pollen dans l’eau. Leurs reflets font penser à des paillettes d’or ! Nous redécouvrons aussi une faune peu accueillante : des serpents. Émilien en a même vu un énorme d’environ 4 mètres ! Nous ne sommes pas loin d’une côte réputée sauvage, notamment un paradis des crocodiles, donc rien d’étonnant à retrouver certains reptiles en mer.

Rapidement, ce qui devait arriver arriva et il n’y a quasiment plus de vent. Après avoir essayé d’avancer au maximum à la voile et avoir fait une toute petite journée (86mn), nous décidons d’allumer le moteur. Il nous reste 1000mn soit 9-10 jours de mer et environ 6 d’autonomie au moteur. Ce n’est pas grave, le vent devrait se relancer un jour.

Ce qui nous préoccupe plus, c’est qu’il n’a toujours pas plu (sauf l’orage) et donc que nous n’avons pas pu récupérer d’eau. Durant la première semaine nous avons eu la mauvaise surprise d’avoir une fuite sur notre réservoir d’eau de secours. Nous sommes donc depuis beaucoup plus vigilants sur notre consommation. Nous espérons néanmoins qu’il pleuve pour se rassurer et avons inventé un système optimisé à base de bâche et de bouts qui devrait nous permettre de récupérer un maximum d’eau. Il ne nous reste plus qu’à avancer tout en regardant le ciel.

Malgré le bruit de notre ami le moteur Perkins, les poissons ne nous fuient pas et nous péchons un petit thon blanc ! Émilien en rêvait et c’est chose faite. Il l’a cuisiné cru sauce wasabi (comme appris en Nouvelle-Calédonie) et c’était délicieux. D’autant plus que nous n’avions pas pêché depuis le départ.

Nous profitons aussi de ces moments de calme pour lire, écrire, jouer aux cartes, discuter… nous observons les oiseaux se poser de temps à autre sur le pont pour se reposer et profitons même de l’incroyable luminosité pour faire des photos. La lumière est exceptionnelle en fin de journée et le ciel s’illumine de milles feux ! Nous venons d’entrer dans la mer du Timor et ce spectacle est comme un cadeau de bienvenue. Nous ne sommes pas déçus, bien qu’un peu de vent n’aurait pas été de refus.

Coucher de soleil exceptionnel en mer du Timor

Nous terminons donc cette semaine sans vent mais cela ne devrait plus durer. Nous sommes à quelques jours d’arriver à Bali et l’envie de débarquer grandi chaque jour. La mer est d’huile et, comme un au revoir, un avion des gardes côtes australien vient nous survoler en rase-mottes. L’opératrice radio fait un appel radio VHF pour savoir qui nous sommes et une fois qu’elle a ses réponses, l’avion s’éloigne gentiment de nous. De notre côté, nous nous éloignons des côtes australiennes…

À suivre.

4 Commentaires d’article de blog
  • Martine
    décembre 17, 2022Répondre

    Merci pour vos récits ,nous voyageons un peu avec vous…il ne manque que le bruit des vagues !
    Bon vent pour la suite.

  • Carpentier Claude/Nicole
    octobre 18, 2022Répondre

    lire ces trois récits en enfilade c’est voyagé avec vous. Merci du fond du cœur et bonne suite de cette belle aventure.

  • Carpentier Claude/Nicole
    octobre 6, 2022Répondre

    encore un récit très croustillant avec des images que l’on s’imagine vivre avec vous. Les commentaires (ci dessus) en anglais pas toujours faciles a faire partager à la communauté de jybe . Bonne arrivée à Bali. Impatiente pour la suite. Bises

  • Jean-François Prost
    octobre 5, 2022Répondre

    Bonjour l’équipage, toujours prenant de vous suivre avec votre récit !!!.
    On vous en remercie
    Jean-François

Laisser un commentaire à Carpentier Claude/Nicole Annuler la réponse