Carnet d'expédition

Transpacifique – Semaine 1

Ça y est, nous y sommes, la transpacifique ! À vrai dire, il nous tardait de partir pour continuer notre petite aventure. Nous savons que nous nous embarquons pour beaucoup de temps en mer, mais l’envie de la suite est vraiment plus forte que l’ennui en mer. Et puis avec une transatlantique et la traversée des Caraïbes, nous sommes finalement un peu rodés.

Nous décidons donc de partir le dimanche 10 avril dans la matinée. Les conditions météo ne sont pas terribles au large de Golfito puisqu’il n’y a pas de vent mais c’est finalement tous les jours pareil : c’est la zone du Pot-aux-Noirs. Après une semaine à regarder la météo quotidiennement, nous savons que notre périple débutera au moteur pendant plusieurs jours jusqu’au large des Galápagos où les alizés du Pacifique se lancent. Nous avions prévu le coup en faisant le plein de gazole avec 100 litres de plus dans des jerricans et idem pour l’eau. Nous sommes prêts.

Comme prévu, le départ s’est bien passé. Nous observons la terre en partant sachant que le paysage des prochaines semaines serait uniquement fait d’eau. Nous sommes donc au moteur sur une mer d’huile. Cela peut paraître très tranquille mais c’est plutôt l’inverse ; le moteur est très bruyant ! Pour pallier ce problème, nous portons des bouchons d’oreille, des écouteurs…

Toutes les solutions sont bonnes pour retrouver un peu de tranquillité. Il faut s’imaginer que le bruit mécanique du moteur diesel nous accompagne 24 heures sur 24 ! Le pire dans cette histoire c’est Lucas, dont la chambre est collée au compartiment moteur : un enfer.

Avec autant de bruit, nous discutons peu entre nous et nous nous occupons différemment : Nous lisons beaucoup, nous regardons des séries ou des films, nous écrivons à nos proches grâce au téléphone satellite… Finalement, ce démarrage au moteur nous permet aussi de nous ré-acclimater en douceur à cet environnement si particulier. Hormis le bruit, il n’y a pas de houle, la navigation est donc plutôt confortable, il est facile de barrer et aucun d’entre nous n’a le mal de mer.

Le deuxième jour, nous profitons d’un petit brin d’air pour sortir les voiles afin de gagner un nœud de vitesse. Nous avançons à une bonne allure de 5 nœuds de moyenne et le vent nous apporte aussi ce peu de fraîcheur qui nous manquait tant.

Le lendemain, vers 6h nous entendons un gros bruit suivi de fortes vibrations. C’était si fort que ça m’a réveillé mais, Émilien installé à la barre ne semblait pas s’affoler j’ai donc cru que ce n’était rien. Au final, lorsque j’ai pris mon quart à 8h, il s’est avéré qu’on n’avançait plus très vite avec des remous bizarres derrière le bateau. On a donc arrêté l’hélice et Émilien a plongé sous le bateau. Bingo ! C’était un morceau de filet qui s’était pris dans l’hélice. Il l’a retiré et nous sommes repartis normalement.

Cette journée marque aussi une nouveauté dans notre alimentation : nous avons pêché notre première petite dorade coryphène ! Un délice !

poisson

Nous l’avons cuisinée avec du citron vert, du gingembre et de l’ail : Un vrai bonheur. En plus, nous continuons de bien avancer : le vent semble clément et nous emmène là où il faut et les courants marins sont dans notre sens.

Les jours suivants s’enchaînent et nous nous rapprochons sérieusement des îles Galápagos. Notre cap change puisque nous avançons maintenant vers le 230° mais le quotidien reste le même : moteur et voiles sorties, beaucoup de bruit, un peu plus de houle et nous avons aussi pêché à deux reprises de tout petits thons que l’on a relâchés car ils étaient vraiment trop petits.

Malgré ce quotidien qui s’installe, des choses viennent le perturber. D’une part, nous avons eu notre première journée Bretonne : Il a plu toute la journée ! Alors je me dis: « ce n’est pas grave, il faut voir le bon côté des choses, je n’aurais pas chaud…». Ça, pour ne pas avoir chaud je n’ai pas eu chaud ! Il a plu 6 heures sur mes 11 heures de barres et c’est sans compter le temps passé sous l’eau pour Émilien et Lucas !

Ensuite, mercredi en fin d’après-midi, la canne à pêche s’est pliée en deux ; nous avions un poisson ! Je m’affaire immédiatement à le remonter et ça tire super fort ! Je ne le vois pas bien, mais il est en surface. Il tire tellement fort que j’ai les avant-bras qui se tétanisent ! Malgré cela, je passe outre la douleur et essaie de le remonter jusqu’à nous. Cinq minutes plus tard, il se trouve à quelques mètres de moi et la déception prend place à l’excitation… Le merveilleux poisson était en réalité un tas de filets… Quelle tristesse. Les eaux ici sont plutôt polluées et nous en avons encore la preuve.

Pour finir, nous avons eu notre premier passager clandestin ! Un ami à bec que nous avons baptisé Hector. Il a les plumes marron/gris, le cou un poil plus clair et le bec gris bleu. Celui-ci est plutôt fin, légèrement long et crochu au bout. Hector était à la proue du bateau et jouait l’équilibriste sur la filière.

Ce qui est drôle c’est qu’il semblait s’agripper avec ses palmes mais qu’il glissait quand même ! Il donnait des coups de fesses pour se maintenir debout (il lui manquait d’ailleurs une plume). Pour finir, il m’a observé attentivement, puis le bateau, les mâts, avant de se blottir sur lui-même et commencer à se chercher je ne sais quoi dans ses plumes.

Enfin, bref, un joyeux luron ! Maintenant, il passe toutes ses nuits avec nous sur le bateau et repart au petit matin. Finalement, cette histoire d’oiseau s’est même accentuée au large des Galápagos puisque plusieurs autres volatiles ont rejoint Hector. Ils dorment sur les filières, à la proue, en haut du mat… Le bon côté c’est que ça nous fait de l’animation (c’est-à-dire que la façon dont ils atterrissent sur la filière en mouvement est hautement acrobatique), mais le mauvais c’est qu’ils défèquent à la fois sur le bateau et sur nous-mêmes. Voici donc la situation actuelle.

En fin de semaine, nous avons enfin pu éteindre le moteur ! Ce bon vieux diesel Perkins nous aura amenés jusqu’au large des Galápagos sans problème, en fumant un peu vers la fin. Le vent souffle de trois quarts face (allure bon plein) et nous avançons à bonne allure avec une moyenne à 5,5 nœuds. La houle monte et nous connaissons finalement nos premiers jours de calme. Le courant est toujours avec nous et nous sommes rassurés car la zone sans vent semble derrière nous.

Nous avançons bien à la voile. De toute façon le moteur ne fonctionne plus. La dernière fois qu’on l’avait utilisé c’était il y a deux jours, avec 20° de gîte pendant 10h. Il commençait à fumer blanc et à baisser en régime nous l’avions donc éteint. Le samedi 16 au matin il a fallu le réutiliser à plat cette fois-ci et il a tourné deux heures jusqu’à ce qu’il fasse pareil jusqu’à caler… On a essayé de le redémarrer mais en vain. On a demandé l’avis de personnes qui s’y connaissent en France via le téléphone satellite mais ça ne sent pas bon. Heureusement, on est sorti de la zone du pot-aux-noirs des Galápagos et le vent est bien présent !

Une autre chose incroyable en cette fin de semaine, j’ai vu mon premier requin ! J’ai aperçu son aileron et sa nageoire caudale dépasser de l’eau 10 minutes après que le moteur ait calé. Pas très rassurant… Je prends ça comme un avertissement : ne pas se baigner. Plus tard, Émilien en a vu un sauter au loin en train de chasser. Il était apparemment massif !

Une fois les îles Galápagos passées, nous prenons cap vers les 0°N 100°W où nous passerons officiellement dans l’hémisphère Sud. Malgré les petits soucis techniques de la fin de semaine, le moral est au beau fixe et nous sommes heureux d’avoir aussi bien avancé dans cette première phase qui s’annonçait plus compliquée que ça.

Rendez-vous la semaine suivante pour la suite de la transpacifique.

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