En France, la cuisine est une forme sérieuse d’art et un sport national.
Julia Child dans le New York Times magazine en 1986
Cette citation résonne particulièrement en nous. En effet, nous parcourons le monde pendant 20 mois avec notre voilier qui prend désormais fonction d’habitat : la cuisine y occupe donc une place très importante.
Léo, Émilien et moi-même sommes tous les trois remplis de nombreuses références communes mais également d’identités culinaires propres. Cependant, le “bien-manger” reste une valeur partagée.
Enfants de la campagne, nos éducations nous ont amenées à pouvoir découvrir les produits du terroir, les préparer, les cuisiner, les apprécier.
Ce patrimoine, nous l’embarquons à travers le monde et nous comptons l’élargir en apprenant à travailler de nouveaux produits, de nouvelles saveurs.
Nourrir l’équipage dans un espace en agitation perpétuelle
Vous avez déjà fait la cuisine dans une machine à laver ? Non ? Parce que de notre côté, on pense en être parfaitement capables aujourd’hui.
En effet, préparer les repas dans le petit carré faisant office de cuisine se révèle bien souvent être un numéro d’équilibriste. Nous agrippons les ustensiles, ingrédients, poêles ainsi que nous même sinon, tout s’écrase violemment au sol.
La gite étant incontrôlable, le barreur ne peut rien faire pour aider son acolyte en cuisine. Il faut donc user de stratagèmes pour éviter de gâcher de la nourriture, ou pire : se blesser.
On retrouve alors au sol différentes bandes antidérapantes permettant une meilleure accroche, des petits bouts de corde servant à accrocher toutes les portes de nos tiroirs et ainsi éviter qu’ils ne se vident malencontreusement dans la cuisine. La gazinière sur cardans est un indispensable, car en plus de cuire, elle permet de ne pas renverser toutes nos cuissons en contrant les effets de la gîte.
Malgré toutes ces difficultés cet espace est maintenant plutôt bien optimisé. Nous savons tous où se situe les ustensiles, les condiments et la nourriture. Après avoir adapté notre façon de cuisiner, c’est plutôt agréable.
En parlant d’ustensiles, nous avons tout le nécessaire à bord :
- Un égouttoir
- Une poele
- Une petite casserole
- Une cocotte minute (bien pratique pour ne rien renverser)
- Quatre saladiers
- Six bols
- Six assiettes
- Des couteaux de cuisine
- Des couverts
- Un économe
- Un tir bouchon (c’est un essentiel)
- Une bouilloire
- Une passoire
- Un écrase patate
- Une planche à découper
En bonus nous aimerions avoir un petit barbecue fixable à l’extérieur, mais nous ne sommes malheureusement pas encore assez bon en pêche pour avoir quelque chose d’interessant à faire griller… Ça viendra !
L’avitaillement
Quelques jours avant nos départs d’escales, nous écumons les marchés à la recherche de nombreux produits frais pour remplir notre bateau d’excellents fruits, épices et légumes locaux. Nous préférons diriger au maximum nos achats vers des marchés de producteurs quand nous le pouvons.
Ce fut le cas à Gran Canaria ainsi qu’au Marin en Martinique. Pour le reste de l’avitaillement, nous achetons sopalin, papier toilette, sacs poubelles, dentifrice… en moyenne ou grande surface à proximité des ports. En effet, ils permettent bien souvent d’utiliser de gros caddies pour pouvoir ramener nos achats à l’annexe : c’est bien pratique sans voiture.
Chaque cm2 compte
Nous déchargeons ensuite l’annexe sur Noddi et organisons pendant 30 à 40 minutes nos achats dans des filets suspendus pour les fruits et légumes supportant assez mal les chocs. Les plus résistants partent dans des boites de rangement dédiées qui remplissent nos équipés. Tout le reste, conserves, épices, féculents, gâteaux, pâtés (dédicace au Lou Gascoun)… sont stockés dans les deux grands coffres de part et autre du bateau, sous le lit de Léo et sous le « canapé » du salon. Le frigo nous permet même de stocker un peu de produits frais.
Cette organisation est essentielle dans l’optimisation de l’espace : rien ne dépasse et on s’y retrouve bien plus facilement.
Une course contre la montre
Léo se charge bien souvent de nous rappeler l’état de décomposition des fruits et légumes qui entourent son espace de vie. C’est important !
Nous mangeons ainsi en priorité les plus abîmés, mais nous sommes à chaque fois rattrapés par la nature, qui, dans des conditions de stockage si compliquées (chaleur, humidité, soleil), nous oblige à manger de nombreux fruits dans des états peu alléchants. Emilien a souvent le malheur de tomber sur des mandarines ou bananes durement touchées, au goût… bien faisandé…
J’avoue avoir plus de mal sur cet aspect. Manger à chaque fin de repas un fruit en décomposition relève être un défi dont je préfère parfois me passer. Imaginez une diarrhée générale sur le bateau ? Un drame…
À chacun son style…
Mais avant de passer au repas, il faut passer aux fourneaux ! En règle générale, nous ne suivons pas d’ordre précis dans l’organisation de nos repas et il peut arriver que l’un d’entre nous souhaite cuisiner un plat en particulier.
On fonctionne donc plutôt à l’envie, sans en abuser pour que ce ne soit pas toujours les mêmes qui cuisinent.
Personnellement, ma cuisine est plutôt méditerranéenne : huile d’olive, ail et pastas ! J’ai également un faible pour les poivrons et les piments. Je fais généralement cuire assez lentement et accompagne mes plats d’une sauce quand je le peux. Ma spécialité à bord : Les frites maison !
Léo a la cuisine la plus variée de nous trois, incollable sur la viande, le poisson et les cuissons ! Il nous a souvent régalé avec son tataki de thon ou sa fameuse purée saucisses.
Le plus « expérimental » de nous trois est sans hésitation Emilien. Probablement à la recherche de son style ou de notre mort, il nous fait passer par toutes les saveurs : riz noyé dans l’huile de sardine, 1,5 kg de pâtes trop peu égouttées se transformant ainsi en monobloc pâteux… Il se rattrape cependant avec ces salades qui viennent apporter un grand bol de fraîcheur en entrée. Son péché mignon : Le Lou Gascoun, pâté de foie fameux que nous partageons ensemble depuis de nombreuses années.
Assiettes creuses pour combler la faim
Il est vers 19h quand vient l’heure de crier « à table ». À ce moment-là, le barreur trépigne ! C’est un moment de joie partagé autour d’une entrée froide pour le déjeuner et de pâtés pour le dîner.
Arrive par la suite le plat, toujours servi dans des bols qui permettent une excellente prise en main. On se rationne également d’une plus faible quantité de nourriture pour veiller à notre stock. C’est en général 80g à 100g de féculents par personne.
Quand la mer est agitée, il devient vraiment difficile pour le barreur de tenir la barre tout en dégustant son repas. Emilien a cependant trouvé la solution en customisant un bol avec des attaches sur le dessus et au dessous venant le bloquer complètement. Cela permet ainsi d’avoir plus de facilité à garder les mains sur la barre.
Nos repas sont généralement des moments d’échanges, de réunion qui, à la suite de plusieurs heures de barre, de repos ou de divertissement, nous permettent de renouer le dialogue autour d’un repas chaud, souvent bien réconfortant.
La plonge sur le bateau
Le bonheur ne dure jamais bien longtemps car après nous être régalés, il faut ensuite faire la vaisselle. Il y a différentes facons de faire sur le bateau, et ça dépend bien souvent du cuisinier.
Quand je cuisine, j’en mets partout. C’est clair que je ne fais pas vraiment attention au nombre d’ustensiles utilisés. À contrario, Emilien est méticuleux et rend toujours une cuisine impeccable : il nettoie bien souvent en cuisinant.
Ah oui, il vous faut savoir que la vaisselle ne se fait pas comme à la maison. Nous limitons l’utilisation de nos réserves d’eau douce au strict minimum, c’est-à-dire à la cuisine. Donc pour la vaisselle, nous utilisons de l’eau de mer. Nous la récupérons avec un sceau de 7,5L et remplissons notre évier préalablement bouché pour ensuite nettoyer nos couverts, bols, ustensiles, poêles et notre cocotte.
Emilien et Léo, eux, préfèrent généralement laver dans le sceau directement à l’extérieur.
Une fois la vaisselle effectuée, nous pouvons reprendre nos occupations, barrer ou nous divertir en fonction des quarts comme expliqué dans l’article Transatlantique – Première partie.
J’espère avoir réussi à mieux vous faire comprendre la manière dont se passe la cuisine à bord de Noddi.
N’hésitez pas à commenter cet article pour nous recommander des améliorations, nous lisons tous vos commentaires avec beaucoup d’attention !
À très vite.
J ANDRE
février 10, 2022Les mots sont justes, sincères, authentiques, j’adore.
Belle tranche de vie, la suite……
Lucas
février 12, 2022Merci Jérome, bien heureux de lire ton commentaire. La suite arrive très bientôt.
Ribardiere
février 21, 2022Merci à tous les trois pour tous ces partages de Vie ! Quel plaisir de vous lire et de découvrir votre vie à bord du Noddi, des populations, des modes de vie et des problématiques que nous sommes si souvent bien loin d’imaginer… MERCI
Vous êtes au top!!! 👏
Carpentier Claude/Nicole
février 5, 2022Il faudra prendre quelques cours de cuisine mais bien sur on s’adapte. Le récit de Lucas est très croustillant Merçi pour ce partage qui nous fait voyager. Bonne traversée du canal et à bientôt pour d’autre news. Bisous
Lucas
février 12, 2022Merci pour ce commentaire ! Promis, on a beaucoup d’autres anecdotes croustillantes qui arrivent.
Catherine M.
février 3, 2022Article très bien rédigé qui nous plonge directement dans votre quotidien. En se concentrant un peu plus encore, on entendrait même les bruits de casseroles dans la “cuisine” ! By the way, on mange quoi ce soir ?! Et à quelle heure vous nous attendez 🤣 !!
See you very soon !
Lucas
février 3, 2022Ahah ! Ce soir c’est chorizo ! On vous attend au mouillage !
Steph
février 3, 2022Encore un article très vivant à la fois drôle et instructif sur la vie pratique en mer ! J’adore ! Merci Lucas !
Lucas
février 3, 2022Merci ! On va continuer à vous faire voyager alors !
Nicolas
février 4, 2022Bel article et beau partage de votre quotidien, on adore ❤️
Merci et vivement le prochain article