Carnet d'expédition

Une escale aux Fidji inattendue – Partie 2

Cet article fait suite au premier article sur l'escale aux îles Fidji.

Le lendemain, réveil à 6h. C’est un peu dur mais Ben ayant fait des pancakes, du manioc frit et du thé, nous nous réveillons en douceur. Nous devons être à 8h au bureau de l’immigration et si nous voulons être à l’heure, nous ne devons pas tarder. Rebelote donc: nous refaisons le trajet inverse de la veille à pied puis en minibus mais cette fois-ci, le trafic empêche le conducteur de laisser exprimer tout son talent.

Une fois en ville, Ben nous dirige vers un premier bureau. Qui nous redirige vers un second. Puis le deuxième vers un troisième qui n’est pas dans le même bâtiment; celui-ci se situe dans le port de commerce.

Port de commerce de Suva

Tout comme nous, Ben ne comprend pas tout mais il nous guide jusqu’au port. Une fois là-bas, nous expliquons tant bien que mal à la sécurité le pourquoi de notre visite et après quelques coups de fils, nous entrons dans la zone portuaire. Cette fois-ci, c’est le bon bureau. Les services des douanes et d’immigration sont là et nous reconnaissons certaines des personnes qui étaient à bord hier. Après avoir rempli encore de nouveaux documents demandant exactement la même chose que les précédents, on nous explique dans quels bureaux régler la clearance. Nous n’avions pas oublié mais visiblement, eux non plus. Le hic, c’est qu’encore une fois, c’est compliqué. Les deux bureaux à visiter ne sont pas du tout au même endroit. L’un est dans le port et nous y allons en premier lieu, mais le second est en ville et nous n’avons aucune idée de là où il peut être.

Mais Ben si. D’une extrême gentillesse, notre ami qui nous attendait dehors nous amène jusqu’au bureau. Là-bas, nous faisons tous les étages pour finalement trouver la bonne personne à qui s’adresser. Rien n’est simple mais nous arrivons finalement à régler ce que nous avions à régler. Mais là, l’histoire était loin d’être finie.

Notre prochain rendez-vous avec les officiels étant dans plusieurs heures, Ben nous propose de continuer la visite. Il a décidé qu’aujourd’hui, il ne travaillerait pas mais qu’il nous accompagnerait plutôt. Son altruisme est étonnant et nous le suivons, ravi de visiter encore un petit peu plus cette ville.

Nous prenons un rapide petit-déjeuner au marché aux fruits et légumes et nous mangeons un délicieux gâteau à la coco cuit dans des feuilles de bananes au feu de bois. De quoi bien commencer la journée!
Après ce petit encas, nous nous retrouvons encore une fois dans un marché couvert qui borde le front de mer mais beaucoup plus petit que celui des légumes. À l’intérieur, diverses artisans présentent leur travail: peinture, sculpture, tissage… Tout est fait à la main et nous prenons un plaisir fou à discuter avec eux.

Lovo des Fidji

Ils nous expliquent le sens et les représentations des objets qu’ils fabriquent ainsi que comment ils les créent et nous écoutons sagement comme un enfant écoute le sage.

À la suite, nous retournons au terrain de rugby. Cette fois-ci, une équipe s’entraîne et pas n’importe laquelle: l’équipe nationale des Samoa ! Quelle chance ! Ils sont là, à quelques mètres de nous, à s’entraîner sur un terrain ouvert au centre de la ville. Il n’y a pas de grillages entre eux et nous, juste 10 mètres de pelouse. Ben nous apprend qu’en réalité, les Fidji accueillent cette année une compétition qui voit s’affronter certaines équipes du Pacifique: l’Australie, les Tonga, les Samoa et les Fidji. C’est pourquoi cette équipe s’entraîne là et aussi pourquoi nous croisons de temps à autre des Australiens dans la rue. Néanmoins, nous avons une chance incroyable d’assister à leur entraînement et pour un passionné de rugby comme moi, le moment est magique.

Équipe de rugby des Samoa

Après ce spectacle et un bon repas, nous retournons dans le bureau des officiels. Cette fois-ci tout devrait être bon: nous avons rempli tous les documents et nous avons payé la clearance. Une fois dans les bureaux, le capitaine est appelé par le responsable et Emilien s’absente. Le temps passe: dix minutes, vingt, trente… Au bout d’une heure nous le voyons revenir. Il nous explique qu’il vient de sortir d’un interrogatoire et qu’une enquête est en cours sur nous pour savoir si nous sommes des trafiquants de drogue. Nous avons du mal à le croire mais il est sérieux. Il nous rapporte qu’il y a un dossier d’une centaine de pages nous concernant : enregistrements audio des appels radio de l’arrivée, déclaration faites en présence des officiels, photos du bateau… Une investigation est ouverte et nous ne pouvons pas repartir tant qu’elle n’est pas refermée. Apparemment, ils fouillent tout, appellent les anciens ports de passage et visite même le site de Jybe pour vérifier nos dires. Il n’empêche que nous ne pouvons toujours pas repartir.

Lorsque nous racontons tout cela à Ben, il est désolé pour nous. Nous passons la fin de journée ensemble, mangeons d’énormes sandwichs faits dans des bouis-bouis dans la rue et finalement, nous disons au revoir à notre ami. Nous avons rendez-vous le lendemain pour finir (nous l’espérons) les démarches et nous préférons donc retourner dormir au bateau. Il nous accompagne jusqu’à la marina et après une dernière accolade fraternelle, nous le voyons s’éloigner aussi rapidement qu’il nous est apparu la veille.

Le lendemain, à 9h nous nous retrouvons encore une fois dans ce bureau de malheur. Nous commençons à bien connaître les lieux et les personnes semblent bien nous connaître aussi. Ils sont désolés de notre situation et le dossier d’enquête n’est toujours pas clos. Ils nous recommandent de repasser à 11h. Parfait ! Cela nous laissera le temps de faire des courses pour la navigation à venir. Nous faisons le plein de fruits et légumes au marché et pour le reste, nous allons au supermarché.

À 11h, nous voilà de retour dans le bureau mais cette fois-ci, les bras bien chargés. L’officier qui a interrogé Emilien la veille est là aussi. Après avoir posé quelques nouvelles questions à Lucas concernant son diabète, il nous informe que le dossier est clos et que nous allons pouvoir repartir. Victoire ! On nous tamponne les passeports et nous quittons le bureau en souriant. Nous fêtons ça dans un restaurant indien dont les épices auront bien fait transpirer Lucas et nous retournons au bateau. Le Noddi est prêt et la Nouvelle-Calédonie n’est plus très loin. Nous quittons les Fidji dans l’après-midi. Qui aurait cru qu’une escale si courte nous réserverait autant de surprises ?

Sur les 7 jours de navigations qu’il nous sera nécessaire pour atteindre Nouméa, nous en ferons 5 au moteur. Il y a peu de vent sauf le dernier jour où un orage vient perturber notre arrivée aux îles de la Loyauté. Comme un dernier au revoir rageur, le Pacifique nous donne du fil à retordre sur les derniers miles et nous essuyons du gros temps. Le vent tourne, forci et nous vient de face. Les vagues aussi se forment et les éclairs qui tapent autour de nous ne sont pas rassurants. Des conditions que nous n’avions jamais eues jusqu’alors mais qui ne dureront que quelques heures, le temps de la nuit. Nous barrons sous la pluie, le valeureux Noddi vient briser les vagues et les embruns finissent de nous tremper jusqu’aux os. Bref, rien de très agréable.

Le lendemain, nous arrivons à Lifou mais malheureusement, nous n’avons pas l’autorisation de débarquer. Le port n’est pas un port d’entrée et le responsable, bien que très sympathique nous demande de repartir direction Nouméa. Nous savions que cela pouvait arriver mais comme l’île était sur notre route, nous avions décidé de tenter notre chance. Déçus, nous repartons donc pour effectuer nos dernières 30 heures de barres.

À quelques miles des côtes, le moteur tousse et s’arrête: nous sommes en panne sèche. Il nous reste 60 MN à parcourir et le jerrican de secours que nous avons ne nous permettra pas de finir notre périple.

Nous trouvons donc sur la carte la première baie habitée pour y poser l’ancre et trouver une station-service. Il est 4h30 du matin et le courant est très fort dans notre dos : 5 nœuds ! Lucas barre habilement et arrive à entrer dans le chenal en dérivant. Nous posons l’ancre à 5h15, content d’être arrivés en Nouvelle-Calédonie mais sachant qu’il nous manque encore quelques miles à parcourir.

Suite de cette aventure dans le prochain article…

7 Commentaires d’article de blog
  • Danièle et Pierre Ruibet
    septembre 21, 2022Répondre

    Toujours aussi passionnant de vous lire! Léo, mets toi à l’écriture à ton retour ! C’est très vivant et on s’y croirait! Mais vous passez par toutes les émotions, des sueurs froides à la joie! On pourra dire que ça ne manque pas de surprises cette aventure. Chapeau à vous pour votre sang froid en toute circonstance !

  • Carpentier Claude/Nicole
    août 27, 2022Répondre

    quelle angoisse pour vous mais très belle rencontre cela compense ces mauvais moments. Vivement la suite. Bisous

    • JYBE
      août 31, 2022Répondre

      Exactement, tout est bien qui finit bien.

  • Sébastien
    août 26, 2022Répondre

    Quelle aventure 😉

  • Malou
    août 26, 2022Répondre

    Oh la la quel récit !!! Bravo Leo.

  • Sandrine et Olivier
    août 26, 2022Répondre

    Encore une belle lecture, nous nous regalons à chaque fois !

  • Monique et Christian
    août 26, 2022Répondre

    Quelle aventure! Finalement votre copain Ben vous aura été bien utile! Vous avez de la chance de faire de telles rencontres. C’est très enrichissant!

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