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Transpacifique Partie 2 – Semaine 1

| ARTICLE SANS MISE EN PAGE ENVOYÉ DEPUIS L’OCÉAN PACIFIQUE |

Encore une fois, nous revoilà au milieu de nul part. Néanmoins, après tant de péripéties à terre, la frustration de ne pas partir en temps voulu et l’envie d’arriver en Nouvelle-Calédonie, c’est avec une certaine excitation que nous entamons cette deuxième partie de traversée du Pacifique. Celle-ci sera bien plus courte que la première avec ses 2400 mn (contre 3300 pour la partie 1) et nous serons aussi moins loin des côtes puisque nous traverserons l’archipel des Tonga et passerons au large de Niue et des Fiji.

Le vendredi du départ, le 17 juin, nous ne nous pressons pas. Nous profitons de nos derniers moments à la marina pour prendre une douche, contacter nos familles et surtout: regarder la demi-finale du top 14 entre Toulouse et Castres. Bien sûr, Lucas est pour Castres et Émilien et moi sommes plutôt pour Toulouse. Le match est serré et nous essayons de ne pas faire trop de bruit dans le bureau de Jean-Michel pour ne pas le déranger. À la fin des 80 minutes, c’est Castres qui l’emporte: ça y est, Lucas est victorieux et nous pouvons partir.

La sortie du lagon se fait sans encombre malgré le vent bien présent. Nous prenons une passe sur la côte Ouest plutôt large mais dont des vagues énormes se forment de chaque côté pour créer des tubes d’eau. Ces images sont impressionnantes, d’autant plus que des pêcheurs avec une petite embarcation pêchent à quelques mètres de la zone des rouleaux! Un paradis du surf pour qui sait surfer sans tomber sur les coraux acérés.

Dans cette première journée nous avançons bien: 141mn parcourus! La mer est bien formée et il y a de la houle. Les conditions ne sont pas trop difficiles ce qui permet de nous réaclimater à cet environnement particulier mais surtout, de tester nos bricolages. D’une part la barre: tout semble tenir, mais surtout, elle est beaucoup plus douce qu’avant! Il n’y a plus de jeu dans la direction et donc, nous sentons mieux le bateau. Ensuite, l’étai: il tient bon. Pourtant, nous sommes toutes voiles dehors et avec du vent de travers, mais rien ne bouge. Encore heureux sinon le mât risquerait de tomber!

Le lendemain, nous montons d’un cran puisque les conditions forcissent: 3,5m de vagues et du vent de force 6. D’un coup, la vie est beaucoup moins agréable à bord et nous redoublons de vigilance quant à nos réparations. Le bateau se comporte bien mais on n’est jamais trop prudent. Heureusement, tout cela ne durera pas longtemps car tout se calmera dès le lendemain.

En réalité, un grosse dépression formée au large de la Nouvelle-Zélande avance vers l’Est au Sud de notre position et évente complètement notre zone. Si bien qu’en 12 heures, les conditions ont totalement changées. Le vent qui nous vient de face est très doux, donc nous avançons au ralenti. La houle retombe aussi ce qui devrait être un gage de confort mais non. Pourquoi? La barre s’est mise à grincer extrêmement fort. C’est un bruit métallique strident digne des meilleurs films d’horreur. Le pire, c’est que nous avons beau bricoler la barre et graisser les axes, rien n’y fait, le bruit reste. C’est donc résignés que nous commençons à barrer avec nos boules Quies…

Mais ce bruit n’était qu’un avant goût puisque par manque de vent,nous démarrons le moteur. Le doux son du moteur diesel vient accompagner le grincement pour former une symphonie des enfers. Néanmoins, nous avançons à nouveau bien et surtout, on a cru voir une baleine avec Émilien! Lui aurait vu un geyser et moi juste un gros tas d’écume. Ça pouvait aussi être une vague mais l’idée d’avoir vu le plus gros mammifère du monde nous rempli de joie.

Ces journées tranquilles, sans vent et sans houle, nous permettent aussi de changer nos occupations. Nous cuisinons mieux et je m’essaye au gnocchi en mer, nous lisons plus facilement, l’activité sudoku reprend et même le sport. Malgré le bruit, les conditions sont tout de même plus agréables. Enfin, nous profitons aussi de cette accalmie pour faire grimper Émilien dans le mât pour inspecter l’étai: rien n’a bougé! Il faut tout de même saluer les talents d’acrobate du capitaine qui s’est bien fait balancer en haut du mât!

Le calme avant la tempête. Voilà ce qu’était cette période forte agréable. Nous savions que le vent allait revenir mais sans penser que nous ferions un grand écart en l’espace de 12h. Nous passons donc du calme plat à une mer déchaînée! Des vagues de 3 mètres, puis de 4 et enfin, à son paroxysme, de 5 mètres. Des rafales à 35 noeuds qui balayent le bateau et font voler les embruns sur nos corps en équilibre. Très vite, nous ne naviguons plus qu’avec le génois et l’artimon sur ris. Mais sans que nous nous en rendions compte nous tirions beaucoup sur le bateau. Les conditions sont sérieuses et la vie à bord devient très sport. Nous passons en mode « survie »: chaque opportunité de se reposer est prise, nous faisons au plus simple pour les repas et nous ressortons les tenues de quart et les gilets pour manœuvrer.

La mer est gigantesque, un énorme bouillon sur lequel nous naviguons. Le bruit du vent qui siffle dans nos oreilles nous assourdis, les gerbes d’eau volent partout sur le pont, les vagues roulent sur leur crête et l’écume se forme. Cela faisait bien longtemps que nous n’avions pas vu cela. La météo annonce force 7 et pas de doute, nous y sommes!

Mais de telles conditions fatiguent le Noddi. Si bien que le vendredi matin, alors que je venais de prendre mon quart, Émilien m’interpelle. Les conditions sont toujours plus fortes et devraient encore légèrement monter jusqu’au lendemain. Il me dit que nous devrons probablement affaler le génois pour passer sur une plus petite voile d’avant, probablement la trinquette. Je suis d’accord avec lui mais nous n’avons même pas le temps de finir de discuter qu’un gros claquement se fait entendre. Inquiets, nous inspectons visuellement le pont et là, Émilien me crie de réveiller Lucas et que nous devons affaler le génois car une tige filetée d’ancrage des cornières de fixation des haubans sur le pont s’est cassée. La situation est extrêmement critique car on risque à tout moment de perdre le mât!

En moins de deux, Émilien roule le génois et fixe le bas-hauban avant en sursis sur un autre point d’ancrage plus solide mais beaucoup moins bien placé et Lucas se lève. Sans voile à l’avant, il est quasiment impossible de barrer correctement. Émilien décide donc de mettre en place l’étai largable pour envoyer le tourmentin, une toute petite voile de 5 m2 conçu pour les gros temps. Une fois qu’ils ont terminé la manœuvre avec Lucas, je reprend le plein contrôle du voilier. L’adrénaline fait place à la réflexion: nous réfléchissons à ce qui s’est passé, aux solutions possibles, nous regardons les ports les plus proches pour s’abriter au cas où, … Bref, nous ne restons pas les bras croisés et nous cherchons des plans des secours.

La situation est critique mais reste sous contrôle. Nous avons eu de la chance et cet événement nous permet aussi de nous rappeler que le Noddi, sous ses airs de brise-glace est aussi un vieux bateau. Nous avons trop tiré, mais pas plus fort que d’autres fois et la casse semble plutôt provenir d’une rupture à la fatigue. Nous décidons donc de continuer à avancer sur l’objectif mais très tranquillement.

C’est aussi ça la vie de marin: vivre avec la météo changeante, les imprévus, les coups de bols… mais tout cela en continuant d’avancer en essayant de faire les meilleurs choix possible. La météo annonce que cet épisode venteux devrait commencer à se calmer dimanche, l’occasion pour nous de peut-être retrouver du calme et d’apaiser nos esprits.

Rendez-vous la semaine suivante pour la suite de la transpacifique partie 2.

Daily coordinates:

– 16° 44.111′ S 151° 29.145′ W
– 16° 52.965′ S 153° 56.477′ W
– 17° 24.644′ S 156° 37.467′ W
– 17° 35.242′ S 158° 15.495′ W
– 17° 29.762′ S 159° 44.509′ W
– 17° 44.193′ S 161° 50.177′ W
– 17° 42.993′ S 163° 58.203′ W
– 17° 48.100′ S 166° 11.739′ W

3 Comments
  • Carpentier Claude/Nicole
    June 30, 2022Reply

    Pour la mamie que je suis cela est angoissant. mais bravo pour vos bons choix dans ces moments périlleux.

  • Monique et Christian
    June 28, 2022Reply

    Impressionnant mais toujours sous contrôle ! Bravo, continuez ainsi sans prendre de risques.

  • Stéphanie
    June 28, 2022Reply

    Quelle tempête ! Ça fait froid dans le dos !!! Je salue votre réactivité devant de telles conditions …. BRAVO !

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