Carnet d'expédition

Escale à Raiatea : Plus longue que prévu

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Deux jours de navigation à la suite de notre escale à Rangiroa, nous arrivons à Raiatea. Pour faire simple, c’est le meilleur des deux mondes: une île escarpée comme à Hiva Oa aux marquises mais entourée d’un magnifique lagon comme aux Tuamotus. En prime, le lagon à la particularité d’être en forme de huit et d’entourer une deuxième île, Tahaa, l’île à la vanille. Au loin, nous voyons la fameuse île de Bora Bora et l’ensemble forme un paysage de carte postale à couper le souffle.

Néanmoins, bien que tout semble parfait, le mouillage n’est pas facile. Le lagon est profond et remonte verticalement sur des récifs où nous ne pouvons pas naviguer. Nous arrivons tant bien que mal à poser l’ancre au bout de plusieurs tentatives infructueuses.

Raiatea est une île importante de Polynésie Française. Avec sa ville principale, Uturoa qui comporte environ 3000 habitants, c’est un espace actif que nous retrouvons. Le centre bourg est rempli de magasins en tout genre et un marché couvert nous permet d’acheter des fruits et légumes frais. Il y a plusieurs supermarchés et le décalage avec Rangiroa est immense; nous avons quitté le petit village pour la ville toute équipée.

Même si nous sommes loin du centre et que nous devons faire du stop et louer des vélos, ça fait du bien de retrouver de l’activité. Les vélos que nous avons loués nous permettent de mieux visiter l’île, de faire des courses simplement et même d’aller randonner; une petite pause où nous profitons du confort de déplacement. En plus, suite à la rencontre du gérant de la marina : Jean-Michel, il nous offre la place au ponton visiteur le temps que nous fassions notre avitaillement: un cadeau inespéré! Depuis la Martinique où nous avions passé une nuit à quai, nous n’avions pas revécu au port, dans le confort d’avoir de l’eau et de l’électricité. Nous profitons donc un maximum de ce moment de calme avant la grande traversée qui nous attend.

La veille du départ, nous déplaçons le bateau au ponton essence qui se situe en face du marché et des commodités; autant faire d’une pierre deux coups. Jamais il n’avait été aussi simple de faire l’avitaillement! Nous prenons directement le caddie au quai et le tout est fait en une heure top chrono!

Mais autant de facilités ne pouvaient pas durer… En rentrant à la marina, au moment même où nous mettons le bateau à quai, la barre se bloque. Un coup de chance que ça nous arrive juste à quai! Nous inspectons donc le système de barre et nous remarquons qu’une pièce cylindrique permettant d’utiliser la barre à roue est complètement abîmée! Le problème est que nous devons la changer mais que ce genre de pièce est faite sur mesure; il va donc falloir trouver une solution.

En continuant notre inspection avant départ habituelle du bateau, nous remarquons aussi que des brins de câble d’étai se sont cassés au niveau du sertissage en haut du mât. Cette nouvelle là n’est vraiment pas bonne car cela signifie que nous ne pouvons vraiment pas partir et que du gros bricolage nous attend. Pour faire simple, si le câble d’étai casse, le mât tombe: la situation est critique.

Faux départ donc pour l’équipage du Noddi. Il est samedi soir et il faut trouver des solutions rapidement pour ne pas trop décaler l’arrivée en Nouvelle-Calédonie. La première avancée viendra grâce à Jean-Michel: avec son réseau de contacts, il nous met en relation avec un tourneur pour la pièce de barre à roue et nous donne des contacts de gréeurs pour le câble d’étai. Le lundi, le tourneur vient, il prend les côtes et la pièce le matin pour nous la ramener comme neuve l’après-midi. Le travail est parfait! Il a même modifié l’originale pour rendre le système plus sûr et plus performant! Avec ça, plus de risques de bloquer la barre. Le lendemain Émilien remonte, non sans difficultés le tout et voilà déjà un problème de résolu.

Nous sommes donc mardi mais le reste n’a pas beaucoup avancé. Les gréeurs sont à Tahiti et leurs devis sont beaucoup trop chers pour nous. Les solutions que nous avons en mains ne sont pas encore les bonnes. Nous discutons avec beaucoup de personnes sur la marina et sur le chantier naval pour trouver une solution, mais rien de probant. Nous savons que nous avons besoin d’un nouveau sertissage manuel pour remonter le câble mais l’idée de devoir tout racheter nous bloque.

Jusqu’au jour où en fouillant dans le chantier nous tombons sur le saint graal: un sertissage manuel aux bonnes dimensions! Il est monté sur un vieux mât recouvert de mousse prêt pour la casse: quelle aubaine! Nous le récupérons dans l’espoir de pouvoir avancer rapidement sur le reste. Aussi, nous discutons dans la journée avec un bricoleur qui nous donne une solution différente: couper notre câble, monter le sertissage et fabriquer des pâtes de fixation en inox pour ajuster à la longueur d’origine. Nous avons le sertissage, plus qu’à faire les plaques.

Encore une fois, nous repartons à la chasse au trésor. Nous récoltons de l’inox parci, des tige par-là, … les professionnels présents sur l’île nous aident à récolter nos fournitures gratuitement et nous sommes touchés par la bienveillance qu’ils ont à notre égard. Nous passons d’une réparation dont le devis initial était de plus de 500 euros à une réparation maison à 9 euros. Surtout, le mercredi nous avons toutes les pièces et nous pouvons commencer à travailler.

Là, nous nous retrouvons avec Émilien dans notre habitat naturel: l’atelier. Le bruit des machines, la limaille de fer qui tombe au sol, les étincelles,… ça faisait longtemps. Nous passons la journée à usiner notre système qui est composé de deux plaques d’acier inox de 6mm d’épaisseur avec deux trous de 12mm et de deux axes pleins en inox de 12mm avec des perçages aux extrémités pour mettre des goupilles. L’inox est super dur à travailler, surtout pour les perçages mais avec de la patience nous y arrivons finalement. Le nouveau système est monté à vide et nous sommes super fiers de nous: c’est du solide et c’est propre. Plus nous avançons et plus la solution semble viable.

Le lendemain, nous démontons l’étai du mât et nous procédons à l’étape finale. Il ne faut pas trembler pour couper le câble car il n’y a pas le droit à l’erreur. Nous prenons nos mesures plusieurs fois et une fois sûrs de nous, nous coupons le câble. À cette étape là, il n’y a plus de retour en arrière possible. Une fois le câble coupé, nous montons le sertissage manuel et nous remontons le câble sur le mât. C’est le moment de vérité. Déjà, première victoire car la pièce faite maison s’adapte parfaitement en haut: les ajustements sont bons et tout s’enfile correctement. Ensuite, vient le deuxième moment de tension: la longueur est-elle bonne? Pour ça, nous fabriquons un palan pour tendre le câble et le fixer en bas: bingo! La pâte de fixation s’ajuste en bas! Nous goupillons l’axe en bas et tendons les haubans pour admirer notre œuvre : le mât tient et il a bonne allure! Quelle fierté d’avoir réalisé un bricolage si tendu, sans matériel à disposition mais avec des personnes si bienveillantes! Nous courons dans le bureau de Jean-Michel pour lui annoncer la nouvelle et pour le remercier.

Néanmoins, nous savons que le vrai test se fera en mer, une fois les voiles sorties et le tout sous tension. Mais maintenant nous pouvons prendre la mer. Nous avons perdu 5 jours mais ça aurait pu être bien pire : nous serons dans les temps pour la Nouvelle-Calédonie. Départ prévu vendredi midi pour trois semaines de mer qui permettront largement de tester nos bricolages de dernière minute.

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