Nouvelle-Calédonie

Escale du 14 juillet au 13 septembre 2022

Sommaire

1. Des Lapitas aux Calédoniens :

Brève histoire d’un peuple insulaire aux multiples visages

Au cours de notre traversée de l’océan pacifique d’Est en Ouest, nous avons remonté l’histoire du peuplement de cet immense espace maritime.

Dès les îles Marquises, nous vous parlions de ce sujet passionnant.

Située au cœur de l’arc mélanésien, l’archipel de la Nouvelle-Calédonie fut l’une des premières zones du Pacifique peuplée par l’Homme. Plusieurs théories attestent qu’il aurait été habité dès 1300 av J.C par les Lapitas.

Provenant d’Asie du sud-est, ce peuple a effectivement laissé les signes de vie humaine les plus anciens sur les îles calédoniennes : des poteries.

Par la suite, un flux migratoire continu provenant de Mélanésie et de Polynésie occidentale constitua le peuplement de l’archipel avant sa révélation au monde occidental par l’arrivée du navigateur anglais James Cook en 1774.

Dès lors, une succession d’expéditions maritimes, dont la tristement célèbre expédition française de La Pérouse, qui fit naufrage aux Salomons, auront pour objectif d’accaparer les ressources naturelles locales : baleines et bois de santal, pour en faire commerce.

Les échanges mis en place fournissent aux autochtones, appelés Kanak, une profusion d’objets manufacturés : tissus, outils, armes… Malheureusement, des maladies accompagnent inévitablement les marchandises et les hommes. Privée de défense immunitaire adaptée, la population locale diminue pour atteindre environ 50 000 individus en 1853.

Cette année, la Nouvelle-Calédonie est proclamée colonie française après Tahiti et les îles Marquises. En 1854, Port-de-France est fondé pour accueillir une garnison. La ville prendra le nom actuel de Nouméa en 1866 afin d’éviter toute confusion avec Fort-de-France en Martinique.

Cette prise de possession a pour but d’accueillir la population pénale française suite aux déconvenues du bagne guyanais. Un double peuplement se met alors en place : des colons libres encouragés et des condamnés devant purger leur peine par le travail forcé.

Nous avons rencontré l’association Témoignage d’un Passé dans l’ancien bagne de l’île Nou pour vous en parler.

Au cours de cette sombre période, le code de l’indigénat est mis en place. Il permet de cantonner les Kanak dans des réserves qui leur sont attribuées principalement à l’est de Grande Terre et dans les îles Loyauté. Les autochtones sont donc privés de leurs terres ancestrales. Frappés par les maladies, l’alcoolisme, la sous-alimentation et les guerres, leur population descend à moins de 28 000 individus en 1901.

L’archipel accueille parallèlement de nombreux nouveaux arrivants. En 1891, 9 603 colons libres, 6 707 condamnés et 3 139 libérés vivent sur la Grande Terre. A ceux-là s’ajoutent des étrangers arrivés pour travailler sur les nombreux chantiers de l’île et dans l’agriculture : Javanais, Tonkinois, Néo-Hébridais, Vietnamiens, Wallisiens, Tahitiens… Ils sont plusieurs milliers à enrichir la diversité culturelle calédonienne.

Le code de l’indigénat est enfin aboli totalement en 1947. La population augmente sensiblement pour atteindre 100 000 individus en 1968. Mélanésiens et européens représentent chacun environ 35% du total. Le reste de la population est constitué par les immigrés étrangers. En moins de cent ans, les Kanak sont donc devenus minoritaires sur leur archipel.

L’héritage historique lourd rend la cohabitation difficile en cette fin de 20ème siècle, particulièrement entre Kanak et européens. Les tensions atteindront leur apogée au cours des “événements“. Les indépendantistes kanak affrontent alors les loyalistes (favorables au maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République Française) dans une véritable guerre civile s’étendant de 1984 à 1988.

Un film sur la prise d’otages d’Ouvéa permet de mieux cerner cette période terrible.

Elle aboutit à la signature des accords de Matignon en 1988 entre Jean-Marie Tjibaou (indépendantiste) et Jacques Lafleur (loyaliste). Ils prévoient un statut transitoire de 10 ans devant se solder par un référendum pour que les calédoniens se prononcent pour ou contre l’indépendance.

Dix ans plus tard, les accords de Nouméa sont signés. Le transfert partiel de compétences de la France vers la Calédonie est accordé pour une autonomisation de l’archipel. Trois référendums sont ensuite organisés, dont le dernier en 2021. Le non à l’indépendance l’emporte systématiquement. 

La Nouvelle-Calédonie que nous avons découverte est donc le résultat d’une histoire récente riche et complexe. 

La variété de ses visages en témoigne.

2. Kanak :

Notre découverte des fondements d’un peuple mélanésien

Concept généralement associé à des territoires lointains et inaccessibles, le tribalisme est pourtant bien présent en Nouvelle-Calédonie. Nos lectures et rencontres ont permis de le découvrir. Bien qu’une vie entière soit nécessaire pour en avoir une compréhension approfondie, nous vous présentons dans ce chapitre les aspects que nous avons retenus.

Une organisation sociale radioconcentrique : foyer, clan, tribu, chefferie

Elle comprend au centre la grande chefferie et le grand chef, puis en allant vers la périphérie, les tribus et leurs chefs (ou petits chefs). Chaque tribu est composée de clans ayant en leur centre un chef de clan, de groupes familiaux ou lignages et les foyers. Les grands clans peuvent se répartir sur plusieurs chefferies et comporter plusieurs sous-clans. — Coutume Kanak, Sébastien Lebègue

L’appartenance et la relation avec l’autre sont des données fondamentales de la personne kanak, laquelle est toujours référencée à son groupe social

Socle commun des valeurs kanak, Sénat Coutumier, 2013

Le groupe social le plus restreint auquel appartient un individu est son foyer familial. Au sein d’un clan, se regroupent plusieurs familles liées par un ancêtre commun dont l’aîné est le représentant. 

La tribu est un concept occidental qui trouve difficilement une forme unique au sein de l’archipel calédonien. Néanmoins, elle correspond à un lieu de vie où se regroupent les clans. On peut l’associer au village occidental. Les constructions y sont hétéroclites.

En son sein, l’organisation sociale et coutumière est basée sur le rôle traditionnel et spirituel de chaque clan forgé par l’histoire.

Socle commun des valeurs kanak, Sénat Coutumier, 2013

Les savoirs traditionnels détenus par les clans s’expriment au travers de leur rôle au sein de la tribu : pêcheurs, agriculteurs, guerriers, sculpteurs, porte-parole… À Canala, des pêcheurs de Ouassé viennent par exemple apporter leurs poissons régulièrement au bout d’un ponton.

Le processus décisionnel au sein d’une tribu s’effectue grâce à la consultation des familles via les conseils de clan. Chacun est représenté par son chef qui se réunit autour du chef de tribu pour débattre. Au sommet de la hiérarchie se situe la grande chefferie, représentée par le grand chef. Elle regroupe plusieurs tribus et forme un ensemble géographique appelé district. 

Ces différentes strates hiérarchiques disposent de véritables pouvoirs sur les terres coutumières (concept défini dans le prochain chapitre). Les chefs peuvent notamment décider de leur attribution.

Coutume Kanak, Sébastien Lebègue

De nombreuses règles sous-tendent l’évolution des relations au sein de la société kanak. La plus déroutante est liée au rôle attribué aux femmes. Elles quittent physiquement leur clan d’origine lors du mariage pour rejoindre celui du mari. Ce dernier conserve et transmet ainsi son nom et sa terre. Dès lors, les clans sont liés par le sang et les échanges interclaniques se poursuivent génération après génération.

Coutume Kanak, Sébastien Lebègue

Bien que ce fonctionnement soit encore en vigueur sur l’ensemble du territoire coutumier, il est à noter qu’aujourd’hui la plupart des mariages naissent de rencontres libres

L’exemple de Rose, Kanak rencontrée à Nouméa, illustre bien cette évolution. Agée de 64 ans, elle a vécu jusqu’à ses 27 ans en tribu à Lifou. Elle rencontre alors son mari métropolitain qu’elle rejoint rapidement à l’autre bout du monde. Elle quitte donc son mode de vie durant près de 40 ans. Puis, suite au récent décès de son mari, elle rentre en Calédonie en 2021 et retrouve sa tribu originelle. Malgré les difficultés, notamment sa perte du dialecte local, elle essaye aujourd’hui de renouer avec sa famille kanak.

La Terre, support indispensable de l’identité kanak

Coutume Kanak, Sébastien Lebègue

Bien que la colonisation ait déstabilisé la relation entre les hommes et la Terre, chaque clan se distingue par son espace résidentiel, transmis par ses ancêtres. Cette distinction est notamment marquée par les noms des clans, donc des familles qui y vivent, qui sont associés aux caractéristiques topographiques de leurs lieux de vie et à leur histoire.

Au cœur des lieux résidentiels, se trouve un lieu sacré et inaccessible. Il marque le lieu d’apparition de l’ancêtre commun au clan. Il peut prendre toutes sortes de formes : un rocher, un arbre…
Autre lieu important de l’espace kanak, la Grande Case est historiquement située en hauteur au bout de l’allée centrale de la tribu. C’est le lieu où les décisions sont prises et elle symbolise le chef.

Grande case visible au centre culturel Tjibaou

Au-delà de ces lieux clés, l’espace tribal est aujourd’hui constitué de constructions variées. On y trouve des cases traditionnelles, des habitations modernes, une école, une chapelle, des épiceries…

À ces constructions s’ajoutent des espaces vivriers. Champs, prairies, rivières, littoraux ou forêts permettent aux habitants de subvenir à une part importante de leur alimentation. Les limites de ces espaces se basent sur des frontières naturelles : ligne de crête, vallon… On observe également de nombreux marquages sous la forme de bouts de tissus.

Marquage aux abords d’une route à Canala

L’organisation spatiale du territoire telle qu’elle vient d’être décrite est présente sur la partie du territoire calédonien appelée “terres coutumières“. Représentant 27% de ce dernier, les terres coutumières regroupent les réserves, les terres de clans et les terres des Groupements de Droit Particulier Local (GDPL). Le droit civil de la propriété ne s’y applique pas. Elles répondent en revanche à la règle “des 4 i”.

Elles sont : inaliénables, insaisissables, incommutables et incessibles.

Cela n’empêche pas de voir des activités s’y développer. L’exemple le plus marquant est celui de l’extraction minière. Grande Terre possède effectivement 10% des réserves mondiales de Nickel et se situe au cinquième rang mondial des exportateurs de ce matériau.

Bien que les entreprises qui exploitent les gisements soient détenues par des capitaux étrangers ou métropolitains (Glencore, Eramet, Vale, Ballande), les terres sont concédées pour une durée déterminée par les représentants de l’autorité coutumière. 

L’activité minière a permis l’émancipation économique de nombreux Kanak. Ceux que nous avons rencontrés ont pour la plupart travaillé en tant que conducteur d’engin sur les mines à proximité de leur tribu d’origine. À notre grande surprise, la destruction du paysage engendrée par cette activité et le balai incessant des dumpers ne semblent pas les déranger outre mesure.

Récemment, la volonté d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique calédonien a relancé le défi de l’utilisation des terres coutumières. La construction de centrales photovoltaïques est effectivement très consommatrice d’espace.

Des projets ont d’ores et déjà été mis en place, notamment dans le nord. Les Kanak, grands propriétaires fonciers, ont donc un rôle clé à jouer dans la transition énergétique de l’archipel.

Les exigences liées au statut particulier des terres coutumières permettent a priori de garantir, contrairement à l’extraction du Nickel, la remise en état des terres concédées.

La Coutume, vecteur de la relation avec l’Autre

En Océanie, de nombreuses sociétés ritualisent les alliances sociales et les grandes étapes de la vie des individus. Au cours de ces moments la parole et l’échange d’objets permettent l’établissement d’une relation entre deux parties. 

Ces moments forts doivent être motivés par un véritable objectif et ne sont en rien folkloriques. Nous n’avons malheureusement pas pu en vivre à cause d’inondations qui nous ont empêché d’aller à la tribu de Ouengo où nous étions attendus. 

Lors de nos balades, nous pensions également faire la coutume pour pénétrer certains endroits. Mais nous n’avons jamais vérifié cette règle et avons toujours circuler librement, y compris en terre coutumière. 

Nous avons donc recueilli des témoignages pour avoir une idée plus claire de la cérémonie associée à cet échange.

Situé à côté du don, ou l’ayant en main, l’invité montre une posture d’humilité face à son interlocuteur. Il expose alors les motivations qui l’ont amené à se présenter. À l’issue de son discours, le rapport s’inverse et une réponse est formulée. 

Dans ce cadre, la notion d’échange dépasse les domaines marchand et économique. Traditionnellement, les objets qui sont échangés représentent les personnes engagées dans la coutume et leur origine.

L’objet que l’on fabrique est une image de soi-même que l’on donne comme gage de sa bonne foi.

Neaoutyine, Arts de l’échange en Océanie, Musée de la Nouvelle-Calédonie, 2001

Néanmoins, bien que les autorités coutumières luttent contre la dénaturation de la tradition, tabac et argent sont régulièrement échangés. Les conseils formulés aux touristes évoquent d’ailleurs presque uniquement ces derniers par simplicité. 

À l’opposé de cette vision occidentale réductrice de l’échange coutumier, on trouve de nombreux exemples d’objets échangés traditionnellement : parures, monnaies kanak, tapa, nattes, nacres, ignames, bananes, porcs vivants…

La monnaie kanak est un exemple intéressant. Elle prend la forme d’un collier composé de différents éléments symboliques : coquillages (appel des clans), os de roussettes (descendance), graines (femme), laine (esprit)… Sa valeur symbolique est indépendante de sa valeur marchande.

Un autre élément marquant de la coutume et de la vie kanak est l’igname. Son importance est telle que tout Kanak doit cultiver ce tubercule pour faire partie de la communauté. Il est bien sûr consommé mais également échangé lors des cérémonies. Sa culture rythme le calendrier : défrichage et labour, plantation, mise en place des tuteurs et récolte. Les mariages ont par exemple lieu durant l’hiver austral, période de labour et de plantation.

Les pratiques agricoles associées à cette culture sont transmises oralement et pleines d’enseignements. L’association de culture y est pratiquée, l’irrigation est maîtrisée, aucun intrant chimique n’est nécessaire. La culture sur brûlis, efficace a l’époque où les populations étaient nomades, est en revanche remise en question aujourd’hui. Quoi qu’il en soit l’ensemble de l’agriculture kanak est précieuse d’un point de vue agrologique.

D’un point de vue organisationnel, l’agriculture kanak est également intéressante. Les terres coutumières sont communautaires. Leur gestion dans le cadre agricole est assurée par des associations ou coopératives locales.

À Canala, nous avons pu voir de grandes parcelles agricoles entretenues par des bénévoles ou salariés de l’association Wake Chaa.

À l’heure de la récolte, les habitants viennent prélever ce dont ils ont besoin directement dans le champ. Le surplus est ensuite vendu aux tribus voisines. C’est une bonne façon de produire et manger local.

Le mythe

Le mythe permet de situer l’individu dans une histoire généalogique et dans un environnement. Il décrit l’origine mystique de la lignée familiale, qui diffère pour chacune d’entre elles : un requin qui rencontre un rocher, une racine qui relie deux sommets… Puis, à partir de ce point de départ, il tisse un récit le reliant au présent. Il se transmet lors de cérémonies et permet aussi de créer de la cohésion autour d’une mémoire commune. Il se matérialise dans chaque clan par un totem.

Notre totem, c’est le soleil. Au temps des Vieux, dans les guerres d’antan, notre clan appelait le soleil pour fatiguer et paralyser l’ennemi. Aujourd’hui, lorsque le soleil frappe fort ou lorsqu’il y a une sécheresse, cela veut dire que l’un des nôtres dans le clan va mourir. Chaque clan peut lire les signes dans la nature de son totem.

Témoignage de Guillaume et M-N Waya dans Coutume Kanak, Sebastien Lebegue, 2018, p.67

La mythe kanak se traduit également par la croyance en la présence des esprits. Ceux-ci peuvent habiter des lieux (un tertre dans une forêt par exemple) ou être présents aux travers d’objets (flèche faîtière…). Cela n’est pas sans nous rappeler les tikis déjà rencontrés aux îles Marquises.

Toujours est-il que ces mythes sont pour beaucoup secrets et que la rapidité de notre escale ne nous a pas permis d’en apprendre plus.

Conclusion

Les aspects de la vie kanak que nous venons d’évoquer montrent à quel point cette culture diffère de celle que nous connaissions en métropole avant notre voyage. Le fait qu’elle perdure aujourd’hui, malgré la colonisation et le temps, montre qu’elle est forte et chère à une large part des calédoniens. Cela montre aussi qu’elle a su se moderniser.

Le retour à la tradition, c’est un mythe. Aucun peuple ne l’a jamais vécu. La recherche d’identité, le modèle, pour moi il est devant soi, jamais en arrière. C’est une reformulation permanente.

Extrait d’un discours de Jean-Marie Tjibaou

La société kanak est inspirante à bien des égards dans la perspective d’un monde durable. Elle est aussi au cœur de nombreux défis pour l’avenir de l’archipel : nickel, indépendance énergétique, indépendances alimentaires… 

Néanmoins, gardons en tête que la Nouvelle-Calédonie concentre une diversité culturelle unique. L’avenir se construira donc surtout en fonction des interactions entre ces dernières. Bien qu’exacerbées sur ce territoire, les interactions culturelles sont présentes partout dans le monde. “Vivre ensemble”, slogan connu sur l’île, peut s’appliquer aussi en métropole. À l’heure où les migrations climatiques ont déjà commencé et où les défis sociétaux et environnementaux s’accumulent, étudier ce sujet semble indispensable.

3. Interactions interculturelles

en Nouvelle-Calédonie

Lors de nos escales dans le Pacifique, nous avons à plusieurs reprises eu l’occasion d’évoquer le sujet de la Nouvelle-Calédonie avec des voyageurs. Systématiquement, le point négatif de l’île évoqué était la cohabitation interculturelle. Tout comme le Chlordécone en Martinique, nous nous confrontons donc ici à un sujet sensible chargé par l’Histoire.

Dans Rites et mythes de symétrie chez des peuples voisins, C-L Strauss cite un chef tribal qui pose bien la problématique. Selon lui, la distance symbolique idéale à laquelle deux peuples voisins doivent se tenir est  

La distance depuis laquelle on aperçoit la fumée des feux.”

En effet, trop de proximité engendre une abolition des différences qui conduit au racisme. À l’inverse, l’éloignement transforme les voisins en inconnus.

À quelle distance vivent les Calédoniens les uns des autres ?

Politique

L’archipel calédonien est un cas unique sur le territoire français depuis la signature des Accords de Nouméa en 1998. Il dispose effectivement d’un statut particulier lui garantissant une autonomie plus forte que les autres collectivités d’outre-mer.

D’un point de vue exécutif, l’organe principal local est le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

Ce dernier est élu par le Congrès de l’île qui est constitué de 54 élus, représentant les 3 Provinces, et votant les lois.

Ces derniers sont élus tous les cinq ans au suffrage universel direct par les citoyens calédoniens.

Trois organes supplémentaires complètent le tableau et émettent des avis sur les propositions de lois :

  1. le Sénat Coutumier qui délibère sur les projets de lois qui touchent à la vie des Kanak et qui a réalisé le Socle Commun des Valeurs Kanak
  1. le Conseil Économique, Social et Environnemental
CESE
  1. le Conseil d’Etat.

Enfin, l’Etat Français est représenté par le Haut-Commissaire qui est chargé de l’organisation des services relevant des pouvoirs régaliens de ce dernier : justice, ordre public, défense, monnaie et affaires étrangères.

Les partis qui animent la vie politique calédonienne sont représentatifs du clivage présent sur l’île entre les indépendantistes kanak, portés par des idées socialistes et les loyalistes, situés à droite de l’échiquier politique. Par exemple, le congrès actuel se compose de 28 loyalistes et 26 indépendantistes. Son président est indépendantiste, tout comme le président du gouvernement.

Ce clivage s’observe dans toutes les strates politiques et était inévitable jusqu’au dernier référendum de 2021.

De fait, la vie politique calédonienne permet difficilement à la population locale, dans sa diversité, de s’exprimer et de construire un avenir singulier pour l’archipel. 

Depuis le dernier référendum sur l’indépendance, le défi prioritaire est donc de sortir de la confrontation idéologique pro/anti indépendance pour engager d’autres débats : la lutte contre les inégalités, le développement économique, le foncier, le logement, l’égalité entre les hommes et les femmes, la protection de l’environnement…

Économique

Tout d’abord, il est à noter que les Kanak peuvent bénéficier d’un statut civil particulier appelé “statut coutumier” qui ne dépend pas du code civil. Les individus concernés par ce statut dépendent d’une juridiction spécifique organisée par les autorités coutumières. L’officier public coutumier remplace par exemple le gendarme pour l’instruction et l’enregistrement des procès verbaux, alors appelés “actes coutumiers”.

L’acte coutumier intervient dans les domaines de la vie civile kanak (mariages, adoptions, successions…). En matière foncière, il a la qualité d’un acte authentique et concerne tous ceux qui s’intéressent aux terres coutumières. Il vise essentiellement à transcrire la décision interne d’un groupe (GDPL, clan, tribu) reconnaissant ou conférant des droits fonciers à un individu ou un groupe. Dans ce cas, l’acte coutumier prend la valeur d’une décision collective interne de contracter avec un tiers.

Pour illustrer ce point, prenons l’exemple d’un couple de métropolitains rencontré à Poindimié. Afin de créer leur gîte sur une terre coutumière, ils ont dû au préalable s’accorder avec la tribu propriétaire du terrain. La transaction ne s’est pas établie, comme en métropole, entre deux individus, mais entre un individu et une communauté. De fait, les termes du contrat sont spécifiques et engagent bien plus que le terrain en question : concession pour une durée déterminée, accompagnement dans la construction du gîte, collaboration pour les activités touristiques (restauration possible dans la tribu, balade guidée sur les terres coutumières), garanties pour l’absence de nuisance sonore après 21h, constructions facilement démontables… 

L’avantage de ce fonctionnement est qu’il offre un fort pouvoir de négociation aux Kanak tout en protégeant leur terre. En revanche, la lourdeur que peuvent prendre les négociations ralentit inévitablement l’activité économique. En effet, rares sont les exemples de collaboration réussie sur terre coutumière. L’activité touristique en pâtit donc fortement. D’un point de vue économique, l‘hétérogénéité du territoire calédonien est saisissante. Le Grand Nouméa concentre plus des deux tiers de la population de l’archipel et l’activité y est bien plus dynamique. En ville, nous avons remarqué que les entreprises sont principalement détenues et gérées par des européens et des asiatiques.

L’intégration des Kanak en ville n’est pas réussie, ils sont très peu nombreux et dans la rue les gens ne se mélangent pas. Le manque d’éducation pour accéder aux postes à responsabilité et le style de vie citadin si différent de la culture kanak la rendent compliquée.

C’est ce pourquoi les leviers de développement économique en dehors de Nouméa sont cruciaux. Tout comme le Nickel; les énergies renouvelables, l’agriculture, la pêche et le tourisme doivent permettre l’émancipation économique des ruraux dans le respect de leur culture. Ce sujet est très intéressant et nous allons l’aborder au travers d’exemples concrets.

L’igname, un aliment pas comme les autres

Dans le chapitre 2, nous présentions l’importance de l’igname dans la culture kanak. Produit localement, biologiquement, sain et bon marché, ce tubercule possède tous les avantages. Il était pourtant totalement absent des assiettes servies dans les cantines scolaires de l’île il y a quelques années. Nous avons donc rencontré le cluster Pacific Food Lab pour discuter de ce sujet.

En dehors de la méconnaissance de ce produit par les cuisiniers, le principal frein était de rendre commercialisable un produit traditionnellement autoconsommé ou troqué lors de cérémonies. Effectivement, dans la coutume la valeur marchande de l’igname est nettement moins importante que sa valeur symbolique. Convaincre des personnes, qui ne sont pas des agriculteurs professionnels, de planter plus pour vendre leur surplus était donc très difficile. Qui plus est lorsque la sobriété est une valeur importante à leurs yeux. 

Pourquoi travailler plus, pour produire plus, pour finalement voir le surplus s’en aller en dehors de la communauté ? Au-delà de cet aspect philosophique, les réseaux de distribution des produits agricoles kanak ne sont pas suffisamment développés. L’essentiel est consommé sur place. Le reste est vendu sur les marchés en ville par des colporteurs. Or, la fragilité de cet approvisionnement ne permettait pas de satisfaire aux besoins de professionnels tels que ceux de la restauration collective.

L’approche qui a finalement été adoptée est de faire comprendre aux tribus que les aliments produits et vendus aux cantines allaient aussi nourrir leurs enfants. Dès lors, l’échange commercial a pris un véritable sens et les transactions ont pu se faire sans intermédiaire. 

C’est donc seulement une bonne compréhension mutuelle et de l’empathie qui a permis la mise en place d’une interaction économique censée et pérenne.

La pêche à Ouvéa : entre savoir traditionnel et modernité

De nombreux projets sont en cours dans les îles Loyauté. Ces îles, intégralement classées en terres coutumières, sont parmi les premières concernées par le dérèglement climatique. Elles sont au cœur d’expérimentations pour accroître leur résilience. Nous avons échangé avec l’ONG Green Cross à ce sujet.

Dans le cadre de la stratégie de résilience territoriale portée par la Province des îles Loyauté, un projet a notamment permis la sauvegarde de la pêche sur l’atoll d’Ouvéa. Les pêcheurs locaux avaient bénéficié, il y a plusieurs années, de nouveaux bateaux pour exercer leur activité. Cependant, ayant été insuffisamment consultés à propos de leurs besoins et de leurs capacités, les pêcheurs n’ont pas été capables d’assurer la maintenance des navires par manque d’outillage et de compétences. Rapidement, les bateaux sont donc restés au port et l’activité s’est arrêtée.

Afin de remédier à cet échec, un centre de maintenance coopératif a été créé. Il est équipé pour pouvoir assurer l’entretien des bateaux et des formations y sont dispensées pour rendre autonomes les professionnels de la pêche. Un centre de collecte des déchets a été construit en parallèle pour limiter l’impact environnemental de l’atelier.

Cette initiative, basée sur une pratique traditionnelle locale, a de nombreux effets positifs : conservation des techniques de pêche, meilleure indépendance alimentaire, soutien à l’activité économique, autonomisation, suivi de la ressource halieutique…

Elle permet d’introduire le sujet des initiatives portées par les Kanak. À deux reprises, nous avons évoqué le sujet de l’entrepreneuriat et on nous a fait état des difficultés à le mettre en place. Pour qu’un agriculteur puisse par exemple cultiver une terre coutumière, il doit d’abord obtenir l’accord de l’autorité coutumière. 

Or, comme nous l’avons vu avec l’exemple du gîte de Poindimié, les exigences de cette dernière sont généralement élevées. Ces conditions souvent inadaptées aux contraintes du commerce moderne empêchent de voir des agriculteurs indépendants monter leur entreprises. 

Plus généralement, l’absence de considération pour la propriété privée rend compliquées de nombreuses initiatives. Nous avons recueilli plusieurs exemples de Kanak travaillant à Nouméa et n’utilisant pas leur voiture pour rentrer en tribu car elle serait considérée comme appartenant à la communauté et utilisée par tout le monde. Dans ce contexte, difficile d’imaginer un mécanicien montant son atelier de réparation privé en tribu.

Néanmoins, cette vision radicalement différente de ce qui fait la base du capitalisme et de la société occidentale, la propriété privée, permet aussi de mettre en place des fonctionnements  intéressants.

Label “Made in Loyalty” : valoriser les ressources naturelles des îles Loyauté

L’archipel calédonien est connu depuis l’arrivée des premiers explorateurs

pour son bois de Santal.

Certains habitants de l’île de Maré ont su profiter de cette ressource exceptionnelle pour créer une filière unique au monde. Deux SARL animent cette dernière : Takone et Serei No Nengone. La première gère la ressource naturelle et la deuxième la transforme. Toutes deux sont détenues par le GDPL de la tribu de Lyo. 

La gestion exemplaire de ces structures leur permet de rayonner internationalement en fournissant par exemple la maison Chanel de New York, générant ainsi une forte valeur ajoutée. Par ailleurs, les exigences environnementales qu’elles s’imposent leur permettent d’être certifiées Agriculture Biologique et FSC. La ressource primaire est donc préservée.

Possédées par une tribu, pérennes et respectueuses de l’environnement ces entreprises prouvent que l’association entre cultures kanak et occidentale peut être économiquement performante et très positive pour le territoire. Il existe donc bien un esprit entrepreneurial à la croisée des chemins. S’inspirant de cette réussite, plusieurs filières sont en cours de développement dans les îles Loyauté.

La mise en place de coopératives pour la production, la transformation et la vente de fruits et de produits du champ s’accélère, la filière coprah d’Ouvéa diversifie sa production afin de générer plus de valeur ajoutée… En parallèle une économie symbiotique se crée : les externalités des uns deviennent des facteurs de production des autres.

Conclusion

Les cultures kanak et occidentales et les personnes qui les incarnent peuvent être complémentaires. Bien que politiquement, le paysage soit encore très marqué par le clivage pro/anti indépendance nocif pour la construction d’un projet à long terme, des réussites économiques sont porteuses d’espoir. La combinaison entre l’état d’esprit kanak et l‘entrepreneuriat occidental permet la création d’entreprises gérées dans le but de générer des externalités positives. Dans la vie de tous les jours, ce sont certainement ce type d’interactions complémentaires qui permettra de fluidifier les relations interculturelles

Notons que la plupart de ces initiatives se basent en amont sur une reconnaissance des pratiques et savoirs ancestraux puis par leur structuration en initiatives.

Ainsi, pour appuyer la conclusion que nous faisions à la fin du chapitre 2 et reprendre des propos tenus lors du séminaire 2021 de l’UICN.

Face à l’urgence, financer au mieux la transformation écologique des îles

la reconnaissance de la valeur des savoirs ancestraux et leur valorisation sont indispensables pour construire un futur enviable et apaisé dans les territoires marqués par le multiculturalisme.

La restauration des savoirs traditionnels [doit être mise en avant] dans la mesure où ceux-ci peuvent constituer des voies d’actions et de construction vers un futur nouveau s’inspirant de pratiques anciennes.

Pascal Petit – Professeur émérite au Centre d’Economie de l’Université de Paris Nord

4. Transmissions culturelles

Les connaissances techniques des Kanak ne peuvent être dissociées de leur culture dans sa globalité. Elles sont le résultat d’un mode de vie, de croyances, de valeurs et de tout ce qui les caractérise. 

L’importance de l’igname dans la coutume a permis de perfectionner sa culture au fil du temps et de l’adapter au terroir calédonien. La pratique de la pêche et l’architecture ont permis de développer une fine connaissance des essences d’arbre, de leurs caractéristiques et de leur période d’élagage. Ainsi de suite.
Dans ce chapitre, la question n’est donc pas de savoir comment récupérer et utiliser des savoirs ancestraux pour en tirer profit. Nous nous demanderons plutôt comment ces derniers se sont transmis au fil des générations et comment rayonne la culture kanak de nos jours.

Lorsque l’on met une culture dans un musée c’est qu’elle est morte. La culture kanak avec ses 3 500 ans d’histoire quant à elle, est bien vivante.

Emile Mene – Secrétaire Général de la Province des Iles Loyauté

Les langues kanak

Comme pour nombre de peuples premiers, la parole joue un rôle prédominant dans la transmission de la culture kanak. Aujourd’hui, on dénombre encore sur l’archipel 28 langues et 11 dialectes, dont les plus menacés sont pratiqués par une poignée de personnes seulement.

28 langues et 11 dialectes

Ces langues contiennent une richesse de vocabulaire qui traduit une connaissance fine de l’environnement et de la géographie locale. C’est au travers de la pratique de ces dernières qu’un lien intergénérationnel se crée. Sans lui, la chaîne de transmission se coupe définitivement car anciens et jeunes ne peuvent plus se comprendre. 

Malheureusement,  l’administration coloniale française a réduit très tôt cette richesse linguistique qui représentait un handicap pour la bonne administration de la population autochtone. Ainsi, l’usage des langues vernaculaires fut interdit, par décret, dix ans seulement après l’annexion. Elles furent interdites dans l’espace public jusqu’en 1970, soit plus de cent ans de censure.

Depuis, plusieurs initiatives permettent de sauvegarder ce qu’il reste de cet héritage : une section langues vernaculaires est créée au centre territorial de recherche et de documentation pédagogique, l’institut mélanésien est chargé d’élaborer des documents pédagogiques dans quelques langues kanak en vue de leur enseignement au collège, l’académie des langues kanak retranscrit à l’écrit les langues afin de les sauvegarder. 

Des écoles populaires kanak sont également mises en place. Elles ont notamment pour objectif de mettre en valeur l’identité et la culture kanak, à travers un enseignement « en langue ». 

Enfin, en 1992, la loi Deixonne s’applique en Calédonie, et 4 langues kanak peuvent être choisies en option au baccalauréat. 

Pour autant, lorsque les jeunes suivent leur cursus scolaire, ils doivent quitter leur tribu dès le collège pour vivre à l’internat. Dès lors, le français est bien souvent la seule langue commune.

C’est pourquoi d’autres moyens de transmission doivent être utilisés pour maintenir ce patrimoine et assurer la transmission.

La musique

En premier lieu, c’est la musique qui permet une pratique populaire des langues kanak et leur rayonnement bien au-delà de la Nouvelle-Calédonie.

L’exemple qui vient immédiatement à l’esprit est le chanteur Gulaan qui s’est illustré dans l’émission The Voice en 2018. Il y interpréta notamment un chant traditionnel en langue Nengone “Nodei Perofeta”. Récits et mythes, fondamentaux dans la culture kanak, peuvent ainsi être partagés grâce à leur interprétation musicale.

Le festival Mélanésia 2000 se révèle comme un véritable marqueur historique dans la reconnaissance de la culture kanak en Nouvelle-Calédonie. Ce festival se veut le témoin, auprès de la population calédonienne, de l’existence d’une culture kanak vivante et singulière.

Il regroupe de nombreuses délégations venues de la Grande Terre mais aussi des îles Loyauté qui, ensemble, vont produire un spectacle son et lumière autour de l’histoire de Téa Kanaké, mythe d’origine de la côte Est.

L’appropriation par certains artistes de styles musicaux plus modernes et urbains, comme le slam, permet par ailleurs de porter des revendications et de toucher les plus jeunes.

D’autres formes d’art sont valorisées grâce à la musique. La danse est évidemment très présente traditionnellement. Avec elle, les costumes et objets d’apparat sont mis en avant et continuent à être utilisés. Des créateurs s’en inspirent pour créer des lignes de vêtements. Enfin, les instruments, pour la plupart sculptés en bois, accompagnent le tout.

La sculpture

La sculpture est très importante dans la culture kanak. L’habitat traditionnel contient de nombreux éléments sculptés qui revêtent des significations importantes. Par exemple, la flèche faîtière se trouve au sommet de la grande case et symbolise le lien aux anciens, l’attachement à la terre et la relation entre kanak.

Les neufs coquillages représentent et symbolisent les neufs familles du grand clan qui composent la grande chefferie. La première sculpture du haut représente et symbolise l’aigle. Elle dit que la coutume règne dans les airs. Les deux pointes vers le haut disent que nous sommes toujours en relation et en communication avec les esprits et le ciel. La sculpture du centre représente la pirogue. Elle sert de moyen de communication et de relation entre la Grande Terre et les îles. La partie basse est l’inverse de la sculpture du haut. Elle symbolise les familles du littoral. Les clans du bord de mer sont les garants de la pêche et donc du partage de la nourriture avec le grand clan. Les deux pointes orientées vers le bas disent que l’on a toujours un contact avec la terre, avec nos esprits et nos morts.

Berge Poindi Kawa, Grand chef de Petit Couli

La pratique de la sculpture permet à la fois de transmettre et de faire vivre des techniques et des outils. Certains l’apprennent de façon autodidacte, d’autres au contact des anciens et enfin des formations académiques viennent compléter le panorama. Quelle que soit la méthode d’apprentissage, le travail du bois crée aussi un lien fort avec la forêt. Elle connecte l’Homme à la Terre.

Dans un autre style, les bambous gravés figurent parmi les œuvres les plus originales de l’art kanak. Entièrement recouverts de motifs abstraits et figuratifs, ils illustrent les multiples aspects de la vie des Kanak et de leur Histoire. Quelques artistes contemporains se sont réapproprié le support et les techniques traditionnelles.

Le Centre culturel Tjibaou

En 1989, suite aux accords de Matignon, l’agence de développement de la culture kanak est créée avec l’objectif : de valoriser le patrimoine kanak, d’encourager les formes d’expression contemporaines de cette culture, de promouvoir la recherche et les échanges culturels régionaux et internationaux et de susciter l’émergence de pratiques et de références culturelles communes à la Nouvelle-Calédonie.

Construit pour héberger l’institution, le centre culturel Tjibaou est inauguré la veille de la signature de l’Accord de Nouméa. Il regroupe en un même lieu, un centre d’art contemporain, des salles d’expositions, différents espaces de spectacle dont un théâtre, une médiathèque spécialisée et des espaces d’accueil de classes en résidence.

Le Centre Culturel Tjibaou

Bien plus qu’un musée, ce lieu, que nous avons visité, permet de réunir. De nombreux événements  y sont organisés : des débats, des projections, des performances artistiques…

Rendant ainsi la culture kanak contemporaine plus accessible et vivante. Il incarne aussi le processus de réappropriation de leur identité.

Échanges avec une animatrice travaillant au centre

Conclusion

Millénaire, la culture kanak est tout à fait originale sur le territoire français. Malgré la colonisation de l’archipel calédonien dès le 19ème siècle et les mesures mises en place pour l’anéantir, elle reste riche d’enseignements et bien vivante. De nombreux acteurs majeurs du développement durable la considèrent indispensable pour construire un projet calédonien viable et capable de faire face aux défis environnementaux. Le même constat est dressé à l’échelle internationale avec l’ensemble des peuples premiers.

Des initiatives économiques mettant en avant les connaissances ancestrales des Kanak naissent sur le territoire. Certaines rencontrent un franc succès. C’est la preuve que les cultures occidentales et autochtones peuvent se compléter.

Certaines conditions doivent néanmoins être réunies. La reconnaissance de l’identité kanak et sa réappropriation ont été les premières étapes. Aujourd’hui, les arts et d’éducation assurent la transmission et réunissent. Demain, l’économie et les projets politiques devront certainement plus s’inspirer des valeurs qui font le socle de la vie kanak : respect de l’Homme et de la Terre, solidarité et sobriété.